Réalisation George LucasScénario George Lucas
Walter Murch
Acteurs principaux
Robert Duvall
Donald Pleasence
Maggie McOmie
Pedro Colley
Ian Wolfe
Sociétés de production American Zoetrope
Pays d’origine ETATS-UNIS
Genre Science-fiction
Drame
sortie 1971
Durée 88 minutes
L’histoire :
Dans une société souterraine du futur, vivent sous sédatifs des hommes et des femmes aux crânes rasés, identifiés par des numéros. Ils sont socialement brimés par un pouvoir totalitaire et invisible au sein d’un univers blanc monochrome. Sous l’impulsion de sa compagne LUH 3417, l’ouvrier THX 1138 accepte de fuir avec elle. En conflit avec le chef de LUH 3417 (SEN 5241) qu’il dénonce, THX 1138 se retrouve finalement aussi en prison. THX 1138 est inculpé d’avoir enfreint la règle du sexe interdit avec LUH 3417 et pour n’avoir pas pris certaines des drogues obligatoires (que LUH 3417 lui remplaçait pour le sortir de son état robotique). Dans cet univers, l’amour est formellement interdit et la procréation s’effectue uniquement en laboratoire.Les deux hommes s’enfuient de prison à l’aide d’un hologramme humain . Mais SEN 5241 renonce à quitter la cité. THX 1138 y parvient après avoir découvert que LUH 3417 a été exécutée.
Concept :
Le concept du film était à l’époque très novateur. Le sujet s’inspirait des débats qui faisaient rage sur la perte d’identité des individus dans une société progressivement centralisée. Néanmoins, la vision du système totalitaire dessinée par Lucas semble s’inspirer de plusieurs grands auteurs de science-fiction : George Orwell et son 1984 mais surtout Aldous Huxley et son Meilleur des Mondes. Le parallélisme entre certaines des visions d’Aldous Huxley et l’univers visuel de THX 1138 se veut absolument remarquable, saisissant. Lucas nous amène à penser que les dictatures scientifiques du futur seront proches du modèle du nouvel ordre mondial soutenu et illustré par Aldous Huxley. Les individus y sont clonés et créés dans des éprouvettes. Lucas dessine un modèle de dictature terriblement efficace qui s’appuie sur le consentement de la population à l’égard de la situation dans laquelle elle vit et de son état de servitude.
Le réalisateur, à l’image des romans d’Huxley, exprime l’idée que le développement d’une série de techniques permettra à l’oligarchie en place de faire apprécier progressivement à la population sa propre servitude. Tout cela s’effectue à l’aide de méthodes terriblement efficaces, qui mélangent de façon subtile : les crises et leurs solutions toutes deux préfabriquées, la terreur à l’acceptation, le sexe artificiel aux drogues sédatives, la religion à la surconsommation. « Buy more now, buy more and …be happy ».
A cela s’ajoute l’idée d’un fascisme psychologique assez déroutant. Chacun des moutons-citoyens devient assimilé dans THX 1138 au chien berger du troupeau, comme si les compagnons de cellule d’un prisonnier tentant de s’évader cherchaient dans le même temps à le retenir. Les humains semblent agir de la sorte, les uns envers les autres, en exigeant de tous qu’ils se conforment aux normes sociales auxquelles chacun obéit aveuglément. Il en résulte une société terrible, standardisée, qui s’autocontrôle. C’est une société dans laquelle les citoyens fabriquent eux-mêmes les robots de sécurité qui sont chargés de les asservir. Finalement, c’est un système extrêmement efficace pour ceux qui le gouvernent car ce sont les esclaves eux-mêmes, entre eux, du fait de leur aveuglément, qui le maintiennent fonctionnel ! C’est donc une société où la menace peut provenir de votre voisin, d’un membre de votre famille. Ou pire encore : de vous même !
Georges Lucas :
La prison dans THX 1138 devient rapidement la plus abominable de toutes puisqu’elle n’a aucune barrière et se montre ainsi invisible aux yeux du prisonnier. L’Empire chez Lucas, dont l’avènement sera figuré progressivement dans sa prélogie Star Wars, mais que l’on retrouve déjà institué dans THX 1138, constitue dans un premier temps une réalité invisible aux yeux des spectateurs et des citoyens-personnages du film. C’est une réalité qui fait partie de leur quotidien. C’est une réalité opprimante mais réconfortante. Tant que l’homme reste dans l’ignorance de sa condition d’esclavage, il restera prisonnier et continuera d’alimenter les intérêts de l’oligarchie dominante. Il restera l’esclave du quotidien, prisonnier quelque part de lui-même. Il restera aveugle dans un monde d’aveugles.
Une fois posée, cette condition première nous amène à l’un des thèmes majeurs de l’ensemble des films de George Lucas : la quête du héros. C’est une quête de vérité, de connaissance spirituelle et intuitive. Cette quête est généralement figurée par un symbole solaire. Le héros doit acquérir une connaissance intuitive, une conscience supérieure, en vue de dépasser les pièges et les illusions que le système lui a tendu et qui le rendent prisonnier, impuissant. Dans les films de Lucas, le héros parviendra toujours à atteindre cet objectif. Luke sauve la princesse de l’Etoile Noire et apprend à maîtriser la force. THX échappe de la cité souterraine en se fiant à son intuition. Curt, à la fin d’American Graffiti, sort du sommeil et accepte de quitter son ancienne vie.
Au travers la filmographie de Lucas, le héros, porteur d’un nouvel espoir, est toujours animé par cette même quête de vérité, cette volonté de prise de conscience. Dans 1138, pour s’échapper de cette société dictatoriale, THX prend conscience de son état d’esclave, de son état d’emprisonnement. Cette démarche est au coeur de ce long métrage et Lucas la sert plutôt bien en adoptant un style documentaire, adapté à une démarche de découverte progressive, une démarche initiatique. On touche ici-même la quête de Luke Skywalker, « le marcheur du ciel » ou plutôt « le marcheur vers le ciel » c’est-à-dire l’homme en quête d’ascension spirituelle, en quête de connaissance intuitive, de vérité.
Si George Lucas a pu jouer le rôle d’annonciateur du numérique et de son adoption au sein de l’ensemble des maillions de l’industrie, on espère tout de même, et très sincèrement, que la vision de la société futuriste qu’il a dépeint dans son tout premier long métrage n’était pas prophétique. On l’oublie souvent, mais bien avant la Guerre des Etoiles, il y a eu THX 1138. Il s’agit du premier film que George Lucas a réalisé après ses études de cinéma opérées à l’école USC de Californie. Ce film se veut une adaptation de THX 1138 4EB, un court métrage d’étudiant très futuriste, visuel, et expérimental qui a valu au créateur de la future saga Star Wars une première reconnaissance dans le milieu professionnel. Steven Spielberg en personne fut le premier épaté de la qualité de ce court métrage.
Le long métrage dérivé et éponyme, THX 1138, sorti en salles en 1971, n’a pas connu de succès commercial. Mais il s’impose tout de même comme un pur chef d’œuvre de science-fiction novateur. Il est même considéré comme le long métrage le plus expérimental, sombre et original de la carrière de George Lucas.
L’Artiste face à la Machine Warner :
Avec le feu vert de la Warner Bros et un budget magique de 777.777.77 dollars, Lucas entreprit de tourner son film avec peu de moyens et de temps, deux limitations qui obligèrent le réalisateur à se dépasser. Le résultat ? Inédit, déroutant, complexe et très sombre ! Les effets de montage sont dès les premières minutes du film terriblement surprenants. Les voix semblent venir d’outretombe. Les répliques sont souvent incompréhensibles. Les personnages sont déroutants tout autant que les décors aussi étranges que les hologrammes du film. En somme : une vision forte et avant-gardiste !
Lucas prouve avec son premier film THX 1138 qu’il est un véritable virtuose du montage, et un cinéaste capable de partager d’une manière on ne peut plus abstraite une vision très forte du monde. Mais le film, avant même sa sortie, une fois présenté aux grands pontes du studio, fut totalement rejeté. Warner a détesté le premier montage, coupant les vivres à American Zoetrope et chargeant Fred Weintraub de superviser une nouvelle version. Les responsables de Warner n’en revenaient pas que Coppola ait laissé George tourner un tel film. Lucas fut de ce fait totalement abattu, dégoutté vis-à-vis des grands studios. Pire : le nouveau montage, une fois terminé et approuvé par Warner, fut finalement celui que Lucas avait développé lui-même. Seules 5 minutes avaient été amputées. De quoi enrager le futur créateur de Star Wars !
« Cinq minutes de plus ou de moins ne changeaient strictement rien au film. C’était à peu près le degré d’intelligence de ces gens-là » (George Lucas). A noter que l’édition Blu-ray Disc réintègre les 5 minutes coupées au montage de 1971.
Conclusion :
A nos yeux, THX 1138 est une gigantesque œuvre de science-fiction illustrant la vision forte de son créateur. Avec peu de moyens, George Lucas a su dépeindre un univers intemporel et surtout très cohérent, sur un plan à la fois sociologique et métaphorique. Le design sonore conçu par Walter Murch, dans le grenier même de George Lucas, était lui aussi très original à l’époque. Le film ne remporta pas le succès escompté auprès du grand public étant très sombre et repoussant, mais il constitue un petit chef d’œuvre que les fans de la saga Star Wars pourraient trouver intérêt à approfondir. Ces fans pourraient de cette manière parvenir à apprécier encore davantage leur saga de science-fiction préférée et les thèmes – toujours les mêmes chez Lucas – qui y sont développés.